Leonardo au Louvre avec Rembrandt

Les gardiens du musée surveillent un Rembrandt interdit d’entrer
« Pas de chance Rembrandt, Léonard est arrivé avant vous. »

Accompagné de Gauguin, Toulouse Lautrec et van Gogh, l’inconsolable et vieillissant Rembrandt est assis sur l’Escalier Daru à l’entrée du Louvre. Se pavanant, Léonard épate la galerie avec sa Mona Lisa. La victoire de Samothrace, une sculpture grecque classique datant de 220-190 av J.C, est placée en haut du célèbre escalier réalisé dans les années 1850. Elle fait partie de l’arrière-plan qui encadre le maître hollandais. Les gardiens du musée observent avec suspicion un Rembrandt mis à l’écart et démodé, incapable, apparemment, d’obtenir le droit d’accéder au Temple de la Beauté.

Rembrandt tient dans la main gauche sa peinture sur panneau de 1636 « Suzanne au bain ». Dans la peinture de Matthew, la version est sur toile. Sur la droite, cachant en partie « Suzanne au bain », le chien fidèle de l’artiste fixe Rembrandt d’un regard triste. Il possède les caractéristiques typiques d’un chien errant, maigre, vif et d’une robe foncée. Les deux personnages féminins sur les côtés du groupe de Rembrandt entonnent un chant de deuil irlandais déplorant la grande infortune du maître hollandais. Léonard posant devant la Joconde et flanqué de deux demoiselles, exécute des gestes de victoire digne d’un gagnant du Tour de France. Entouré des agents de sécurité, il est, avec son chef d’œuvre, assailli par des admirateurs et par des amoureux de l’art.

Maragliano, Anton Maria, Gênes, 1664-1739.Madonna del Rosario, La cathédrale-église de San Siro, Sanremo. Sculpture baroque en bois polychrome qui a inspiré certaines parties de l’œuvre de Rembrandt. Étude préparatoire au crayon pour la figure de Rembrandt, représenté assis sur les marches du Louvre.

En 1515, le roi français Francis Ier a envahi l’Italie du nord. Un an après, tirant profit de la nouvelle réalpolitique, Léonard de Vinci l’a quitté pour accepter une maison de grâce et de faveur en France près du Château d’Amboise, la résidence du roi. Il y a apporté avec lui la Joconde qui, à la mort de Léonard, en mai 1519, est passée dans la collection royale, les Tableaux du Roi.

Léonard est à l’origine de la liaison amoureuse entre la France et l’art italien qui a duré jusqu’au début du vingtième siècle avec les œuvres de Boldini et de Modigliani. Une génération après Léonard, fuyant la situation politique incertaine de l’Italie du nord, les artistes peintres italiens maniéristes rejoignirent la France. Ces artistes ont été considérablement influencés par les peintures singulièrement idiosyncratiques de Parmigianino (Francesco Mazzola). La technique de l’artiste de Parme était un mélange de celle de Raphael et de celle de Michel-Ange et frappante pour ces personnages allongés créés de manière stylisée. Cette caractéristique, adoptée par Niccolò dell’Abbate, Rosso Fiorentino et Francesco Primaticcio a implanté de solides racines dans la peinture française et développé à partir de 1531 et au-delà, le style du maniérisme français, plus tard connu sous le nom d’école de Fontainebleau.

En janvier 1639, Louis XIII a signé une ordonnance invitant Poussin, un des plus grands peintres français, installé à Rome de manière permanente, à retourner à Paris pour y effectuer des commandes pour le régime en place. Face aux hésitations de l’artiste à quitter Rome, le surintendant des bâtiments du roi, François Sublet de Noyers, lui a fait savoir que c’était une invitation qu’il ne pouvait pas refuser. Nicolas Poussin est arrivé en décembre 1640, mais comme précaution contre le grand

Traité avec le plus grand respect par Louis XIII et par le Cardinal de Richelieu, Poussin s’est retrouvé, sur le plan pratique, confronté aux intérêts des artistes parisiens établis, en particulier le puissant Simon Vouet, professeur de peinture des rois et fondateur de l’Académie de Saint-Luc. Les styles Baroque et Caracci de l’atelier de Vouet étaient adaptés à la façon grandiose, héroïque et adulatrice exigée pour travailler pour la Maison Royale de France et étaient en dissonance avec le style plus contemplatif de Poussin. Simon Vouet était un rival sans pitié, désagréable, ne perdant aucune l’occasion de rendre la vie difficile à Poussin.

Accablé par des problèmes de logistiques et de gestion, liés à la supervision de projets de conception et de décoration de la Grande Galerie du Louvre, de plusieurs palais, de bâtiments publics et de construction d’églises sous les ordres du palais royal, en juillet 1642, Poussin en eu assez. Avec la permission du surintendant, l’artiste a quitté Paris, n’emportant avec lui qu’un bagage léger, afin de récupérer son épouse à Rome et de retourner avec elle à Paris. Voyageant vers le sud et atteignant Lyon, Poussin a contacté Jacques Stella et, par cet ami peintre, a envoyé une note officielle au surintendant François Sublet de Noyers, l’informant qu’il ne rentrerait pas.

Nicolas Poussin n’a jamais fait partie de la classe artistique française. Les monarques de la Maison de Bourbon, qui ont régné sur la France de la fin du seizième siècle jusqu’à la révolution française, n’ont pas apprécié la décision de l’artiste d’abandonner la France. De fait, ses œuvres (ainsi que celles d’Antoine van Dyck), n’ont pas été enregistrées à la collection royale jusqu’en 1780, plus de cent ans après sa mort, confirmant cette formule attribuée à Talleyrand, que les bourbons n’ont rien appris ni rien oublié.

A gauche : Rembrandt 1660 Autoportrait avec chevalet. Louis XIV a acquis, vers 1671, l’autoportrait tardif, peu après la mort de l’artiste.
A droite : Rosso Fiorentino, 1494-1540, Sainte Famille avec l’enfant Saint Jean Baptiste. Huile sur panneau, 63,5 x 42,5 x 3 cm, The Walters Art Museum, Baltimore, Maryland, États-Unis.

En 1624, Pierre Paul Rubens avait terminé, avec ses aides, un cycle de vingt-quatre très grandes peintures sur toile vantant les vertus de Marie De Médicis, épouse d’henry IV, pour le Palais du Luxembourg. Elles ont été ré-accroché plus tard au Louvre. L’effet magistral que ces œuvres de taille murale ont eu sur le public et sur les artistes contemporains comme Watteau, a provoqué la fin de l’école de Fontainebleau et un changement de direction de la peinture française vers le baroque. À la mort de Marie De Médicis, la série de Rubens est devenue accessible à quelques visiteurs choisis et à de jeunes artistes, conduisant de fait à l’ouverture progressive de la collection royale aux classes moyennes, dans une certaine limite.

La collection « les Tableaux du Roi » a débuté son existence officielle de musée d’art quand, en 1750, le Roi Louis XV a permis qu’un certain nombre de tableaux de la collection royale puissent être vus par le public, deux jours par semaine (le mercredi et le samedi), au Palais du Luxembourg. La présentation des peintures au public a favorisé l’école italienne, en particulier les oeuvres de Le Titien, Véronèse, Raphael et le Baroque. Les peintures de Rembrandt n’ont pas été présentées au Louvre avant 1780, cinquante ans après sa création, une période où les œuvres sombres et noirs du maître hollandais ont subi une perte de popularité.

Vers la fin de sa vie, Rembrandt a adopté une façon d’appliquer grossièrement des blocs de peinture sur la toile avec une large brosse chargé ou avec un couteau à palette, de sorte que la peinture ait pu être regardée comme un bas-relief en couleur. Ce style a été supplanté, durant la fin du dix-septième-siècle Hollandais, par une mode pour l’art classique ou pour des surfaces délicates produites par son contemporain, janv. Vermeer, par Gérard Dou qui avait été son élève, ou bien encore pour les œuvres détaillées et raffinées de Gabriel Metsu. Dès lors, le style officiellement admis favorisé les peintures exécutées sans à-coup, inspirées par la fin de la renaissance italienne et par Pierre Paul Rubens.
Le maniement de la peinture peu soigneux de Rembrandt était en conflit avec ce changement de goût artistique; ceci a eu pour conséquence pour Rembrandt de voir les contrats institutionnels et gouvernementaux lui passer sous le nez. Un exemple fréquemment cité est celui de « la conspiration des Bataves sous Claudius Civilis« , dont une portion très réduite subsiste à la Galerie Nationale de Stockholm. Cette commande, qui a représenté la plus grande toile historique de Rembrandt, lui est parvenue seulement après que Govert Flinck, précédemment élève de Rembrandt, le peintre initialement désigné pour décorer l’hôtel de ville d’Amsterdam, sois mort en plein chantier. La différence stylistique entre la conspiration des Bataves et le style scolaire de Govert Flinck, de Jacob Jordaens, et d’autres artistes travaillant simultanément dans l’hôtel de ville, a créé un conflit institutionnel qui a conduit, après avoir été accrochée quelques mois in-situ, à voir la grande toile de Rembrandt regagnée, de manière permanente, l’atelier de l’artiste.

Rembrandt, durant les dernières années de sa vie, a continué à peindre des toiles et des autoportraits pour des raisons spéculatives tout en recevant des commandes, indirectement, grâce au chapitre 11 concernant le code sur la faillite d’une version du droit romain néerlandais. Cependant, c’était des commandes privées de personnes qui appréciaient l’effet produit par son style impasto chargé. La méthode consistant à appliquer la matière en masse généreuse sur la toile ne trouva que peu de faveur dans la peinture européenne après la mort de l’artiste. La technique a été remise au goût du jour au milieu des années 1860, entre-autre par le peintre marseillais, Adolphe Monticelli. Plus tard, Vincent Van Gogh, admirateur de l’artiste, a promu le style dans une monographie sur Monticelli que lui et son frère ont édité en 1890.

Le Louvre a été converti en musée ouvert à tout public pendant la révolution française. A partir 1793 et par la suite, les amoureux des arts pouvaient voir la collection désormais publique trois jours par semaine. L’école de peinture italienne y a connu une impulsion avec le pillage quasi-industriel des églises et des palais par Dominique Vivant Denon pendant la campagne italienne de Napoléon à partir de 1796. Il sera récompensé en devenant le premier directeur professionnel du Louvre en 1804.


La Victoire ailée de Samothrace, c.200-180 B.C. Paris, Louvre
Niké, le personnage classique grec, fait partie d’une structure sculptural complexe, fraction d’un retable perdu. La déesse grecque de la victoire, balayée par les vents, a été placée sur la proue d’un navire de pierre sculpté, le drapé de sa robe collé à son corps par la force du vent et de la pluie. Aujourd’hui, la victoire de Samothrace domine au Louvre l’escalier Daru, des années 1850. Le consul français sur l’île grecque de Samothrace, Charles Champoiseau, l’a découverte en 1863. Perpétuant une tradition alors bien établie, il l’a expédiée pour la France, générant l’irritation durable des résidents de l’île égéenne qui la voudrait retournée.

 

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